Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Laurie lit
Laurie lit
Publicité
Laurie lit
  • Des livres, des rencontres, des coups de cœur, des BD, des romans jeunesse, des petits auteurs peu connus, de grands auteurs, des connus, des spectacles, des billets-émotions, et des échanges surtout...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Newsletter
18 abonnés
17 mars 2015

Dépendance Day, Caroline Vié

dependance day3 femmes, 3 générations, 3 vies et 3 fins de vies qui s'annoncent terribles. La première c'est Lala, la grand-mère de la narratrice, celle qui commence à "ne pas aller bien" à tel point que son grand-père se tape la bonne. Ne pas aller bien dans cette famille, c'est perdre la tête, mordre le savon, faire ses excréments sous la table du salon, ne pas reconnaître les gens, traiter les voisins d'emmerdeurs...c'est sombrer de plus en plus profondément dans la folie alors que l'extérieur, le visible à tous peut être intact. Cette folie, cette maladie d'Alzheimer est redoutée par chaque membre de la famille. La maladie se transmet de manière héréditaire, elle peut sauter une génération, mais ce ne sera pas celle de la fille de Lala, Clotho. Alors que Clotho a vu sa mère devenir sénile, elle sombre, à son tour, dans cette folie. C'est donc sa fille, Morta, qui nous raconte la douleur d'une jeune fille d'enterrer sa grand-mère puis de voir la maladie se répéter auprès de sa mère. 

"Bien-sûr, Maman va mal. On peut même dire qu'elle déraille à fond les ballons. Si j'en suis parfaitement consciente, je ne supporte pas d'en parler parce que cela veut dire que d'autres l'ont également constaté".

En parallèle, tout au long du récit, on vit avec elle la crainte de déceler chez elle-même des premiers signes de la maladie.

"Le lendemain de mes quarante ans, j'ai acheté un mètre ruban métallique d'un jaune poussin réconfortant. J'ai extirpé dix centimètres du petit boîtier. Chaque année, à ma date anniversaire, qui est aussi celle de ma mère, je compte lever mon verre à sa mémoire puis faire reculer d'un cran le ruban argenté. Quand il aura disparu, je passerai à l'action."

J'ai vraiment dévoré ce livre. La maladie, la fin de vie sont des thèmes qui me touchent et remuent au fond de moi des craintes bien ancrées. Alzheimer est une maladie que l'on connaît tous, à minima par les médias. On en a entendu parler, on a peut-être eu des proches touchés. Dans ce livre, on est dans la famille, on est cette fille qui attend de voir les premiers signes chez sa mère et qui en redoute l'apparition chez elle. Pourtant il faut faire face. Quand il s'agit de la mère, plus de choix, il faut vivre avec, tenter de la garder chez elle avec des aides avant de se rendre compte que soit on tombe sur des aides qui n'en sont pas (terrible moment que celui de la découverte de la maltraitance des personnes démunies), ou que ce n'est plus possible car le stade de la maladie est trop avancé. Alors il faut se résoudre à placer la personne, sa mère, se forcer à aller la voir même si elle ne nous reconnaît pas, accepter les remarques des autres. Ce récit est vraiment poignant, avec ce double niveau d'accompagnement de l'autre vers la fin inéluctable et de peur pour soi d'apparition des premiers symptômes. On vit profondément cette crainte avec la narratrice et on se rend compte à quel point cela peut miner toute une vie.

"Alors ce n'était que ça, la vie? Un truc plaisant parfois, souvent désagréable, insignifiant surtout où surnagent des joies, des chagrins et une absence? Une fois le bovarysme de l'hyperactivité envolé, il ne reste plus rien que le temps de penser. Pendant qu'on vivait sans se préoccuper de rien, en se souciant de tout, la porte du possible s'est doucement refermée sans même grincer pour nous en informer"

"L'enfant évolue, avance vers de nouvelles découvertes, apprend à s'émanciper. L'adulte plonge dans la déchéance. L'enfance, ce n'est pas que l'insouciance. Ce sont les couches-culottes, l'apprentissage de la marche, de la parole, du plus simple des gestes. Si on dit "retomber en enfance", c'est parce que la chute est douloureuse et qu'on ne s'en relève pas. Quand ma mère a été exaucée, ce n'était pas l'insouciance qui l'attendait au bout du chemin."

Un roman très fort, dont l'écriture à la fois crue, vraie et ironique donne toute sa profondeur. Un roman aussi où l'on sourit et que je conseille vivement pour mieux connaître cette maladie et les désastres qu'elle peut causer au sein de la famille.

Découvert chez Séverine dont voici la très jolie chronique ici.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
J'avoue, le sujet n'est pas spécialement attirant mais ce que tu en dis l'est beaucoup plus (surtout ta référence à une écriture "crue, vraie et ironique" :) )
Publicité