La voleuse de livres, Markus Zusak
J'avais dit que j'arrêtais de lire des romans sur la seconde guerre mondiale. Pourquoi? Parce que cette période est très dure, que j'ai lu, vu, de nombreux romans, essais, films sur cette guerre et que je n'arrive pas à croire que des humains aient pu être aussi cruels et haineux (oui je sais, je suis très naïve et de nombreuses populations ont souffert, souffrent encore et vont souffrir de tels comportements mais cela m'est très dur). Pourtant ma maman m'a mis ce livre entre les mains, m'engageant à en faire la découverte et une fois que la mort m'a parlé, je n'ai pu m'en défaire...curieux hein? Oui parce que c'est bien la mort, elle-même, qui nous raconte l'histoire de cette voleuse de livres, la mort qui devient la narratrice, presque notre compagne et amie pendant 600 pages.
Au cours de ces 600 pages racontées donc par la mort avec beaucoup d'ironie, de recul sur la nature humaine et de poésie (quand elle emmène les âmes), nous découvrons l'histoire de Liesel. Quand nous débutons l'histoire, Liesel a 11 ans. Elle vient de perdre son frère, décédé dans un train à ses côtés. Sa maman, femme de communiste, abandonne la fillette ou plutôt protège la fillette en la confiant à une famille d'accueil. Si justement l'accueil fait penser au lecteur que Liesel est mal tombée, on découvre peu à peu l'amour, le dévouement, et la profonde humanité du papa et de la maman de Liesel confrontés, dans les années 35-45, au fanatisme hitlérien, à la misère, au froid. Le papa est un homme avec le coeur sur la main qui protège, élève Liesel et passant l'Humanité au-dessus de toute autre valeur. La maman, sous ses airs revêches, est une femme forte qui crie pour masquer sa combativité & sa sensibilité. Dans cet environnement d'amour, Liesel grandit, se fait des amis (quel adorable gamin ce Rudy), se plonge dans les livres qu'elle dévore pour s'occuper, et apprendre à lire. Les moments avec son papa, Hans, la nuit, sont très beaux. Mais on est au coeur du régime d'Hitler et Liesel découvre la haine de ce régime pour les juifs (les passages des cortèges de juifs trainés dans la ville pour montrer leur infériorité sont éprouvants). Bien-sûr la guerre est là, à toutes les pages, la tension monte, la mort nous annonce de toutes façons dès le début ce qui va arriver et pourtant...on ne lâche pas, on espère, on tourne avidement les pages. Pour ma part, si j'ai eu beaucoup de mal (émotionnellement je veux dire) avec les passages sur les juifs, ceux-ci ne sont pas légions et on vit la guerre vraiment du côté allemand. J'ai aimé cette particularité, j'ai aimé le fait de montrer qu'en Allemagne, bien entendu, tout le monde n'était pas partie prenante des idées d'Hitler et certains ont même risqué leur vie pour sauver des juifs. J'ai aussi aimé qu'en dehors du fait que certains allemands aient ou non suivi le régime, la guerre reste douloureuse pour tout le monde. Le passage sur la réquisition des fils de familles par les soldats allemands est dure. La répression dans les familles qui, à leur manière, ne suive pas le régime interpelle et la guerre ne se termine jamais bien, pour personne et même la mort le dit : "ça me tue".
Un très, très beau roman, un coup de coeur sur l'approche : l'histoire racontée par la mort, les chapitres avec quelques mots jetés en vrac annonçant ce qui va se passer et les petites notes de la mort à notre attention. Ce livre est sorti en film, je ne sais pas ce que cela vaut et je ne le regarderai pas car je me suis imaginée mes personnages et ils résonnent encore en moi quelques jours après la fin de la lecture. Un livre à mettre entre toutes les mains pour les réflexions qu'il permet d'avoir sur la guerre, la perspective que la nature humaine puisse être aussi abjecte que magnifique et également pour les dessins du jeune réfugié juif, tellement beaux...